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Les fantômes de Scandale sortent des ténèbres   19/02/18

Les fantômes de Scandale sortent des ténèbres
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Scandale répétition sur les bords de Garonne   21/09/16

#scandale#extérieur#pierrerigal #toulouse #danse
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Scandale répétition sur les bords de Garonne   21/09/16

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Scandale répétition sur les bords de Garonne   21/09/16

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en résidence à Montpellier Danse   13/05/15

En résidence à Montpellier pour le projet 2016.
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Répétitions Paradis Lapsus à Chaillot   03/11/14

Paradis Lapsus en répétition à Chaillot Kami Bee D JyZèle
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Bataille à CIRCa   22/10/14

Juste avant de jouer à circa. Bataille, catch contemporain
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Twitter de Pierre Rigal   21/10/14

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Scandale répétition sur les bords de Garonne   09/21/16

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Scandale répétition sur les bords de Garonne   09/21/16

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Photographier la danse    12/22/15

Texte de Pierre Rigal dans le livre "Photographier la danse" de Laurent Philippe et Rosita Boisseau (Nouvelles éditions La Scala)

Dans Asphalte, une séquence me fascine toujours. Le mur de lumière devant lequel les danseurs opèrent se transforme en un projecteur stroboscopique. Les flashes brefs et de grande intensité emmènent l’œil du spectateur à réagir comme l’obturateur d’un appareil photo. Sa rétine devient le support d’une image fixe : Julien Saint-Maximin sautant sur son dos avec la même fréquence que les flashes, se fait « attraper » en l’air par la lumière et crée l’illusion d’un mouvement arrêté, d’une lévitation. Consentant à l’hallucination, le spectateur assiste à la fixation photo-graphique d’une chute infinie. Un corps va se fracasser, va se fracasser, va se fracasser… La continuité du défilement de la vie joue avec le présent et flirte avec le « ça-a-été » de la photographie, comme le définit Roland Barthes dans La Chambre claire. Les images passées des corps chutant dans une rue, devant un immeuble, ont le temps de revenir à l’esprit. Ainsi cette photographie réalise de manière implacable l’utopie de notre scène. Elle fixe ce mouvement de suspension et met en valeur le paradoxe dont le danseur est la victime. En regardant cette image, un détail me perce, tel le « punctum » de Barthes. Le visage de Julien Saint-Maximin me révèle une grimace violente, une grimace que je lui connais bien, celle d’un effort intense et d’une folle détermination à vouloir s’élever désespérément dans les airs en sautant sur son dos. Je reconnais cet effort, que je dois moi aussi fournir lors d’une séquence similaire de mon solo érection. Il s’agit d’un effort de sacrifice : là où le danseur déploie toutes les énergies qui lui restent encore, le spectateur ne verra rien de ce mouvement. Il n’en verra qu’une trace immobile suspendue dans l’espace… une trace sans grimace.
Pierre Rigal.

en résidence à Montpellier Danse    05/13/15

En résidence à Montpellier pour le projet 2016.

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Bataille à CIRCa   10/22/14

Juste avant de jouer à circa. Bataille, catch contemporain

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Twitter de Pierre Rigal   10/21/14

Bataille    09/29/14

Bataille est une confrontation brute entre deux acteurs physiques, entre deux hommes.

Cette confrontation est un match complexe et paradoxal. Est-ce drôle ou est-ce grave ? Est-ce une danse réaliste ou une bagarre chorégraphique ? Est-ce un contrat accepté par les deux parties ou une violence unilatérale ? Masochiste ou sadique ? Les deux personnages sont-ils deux ou sont-ils une seule et même personne en conflit avec elle même ?

Difficile de répondre tant l’ambivalence s’impose en règle du jeu. Jeu de dupe. Jeu d’illusions mutuelles.

Cette bataille joue avec la concomitance des contraires, réalisme et abstraction, humour et angoisse, et opère par soustraction. En effet, Bataille érige le conflit violent en état de fait, presque en état de nature. Et c’est en exagérant les souffrances, en riant de la douleur, en se moquant de la haine, en jouissant de la cruauté, en jubilant de la folie que la violence se voit amputer de sa substance propre. Violence gratuite devient chère violence. Et c’est dans cette ambiguïté qu’humanité et civilisation trouvent un peu leur place.

Il n’est donc plus très loin George Bataille, lui l’écrivain de l’outrance, auquel cette pièce de catch contemporain emprunte le nom. Il écrivait : « J’ai perdu la foi dans un éclat de rire » ou encore « Tout était faux, jusqu’à ma souffrance. J’ai recommencé à pleurer tant que je pus : mes sanglots n’avaient ni queue, ni tête. » C’est dans cette ambivalence poétique et continue que la pièce place son équilibre chancelant entre espoir et désillusion. Entre compassion et mépris. Entre absurde et sérieux. Entre osmose et chaos. Entre bêtise surdimensionnée et éclair de profondeur.

Nous sommes tous des équilibristes…

Pierre Rigal

Autoportrait    09/02/14

Il est difficile de faire son autoportrait, surtout par écrit, c’est-à-dire sans interlocuteur direct qui pose les questions, oriente les définitions, projette son propre désir dans cette construction. Un autoportrait par écrit, cela oblige à se regarder seul, à se retourner sur son passé. Ce n’est pas forcément ce que l’on souhaite. On se demande si cela est vraiment intéressant pour soi et pour les autres. Et puis un portrait c’est un choix très subjectif. Que faut-il choisir pour se décrire ? Quels sont les critères que les lecteurs exigent pour connaître une personne ?
Se prêter à l’exercice est difficile et contre nature, douloureux même. Une angoisse folle. Que dois-je écrire ? Que dois-je dire, écrire, penser ? C’est une angoisse.
Ecrire un autoportrait c’est aussi angoissant que de travailler sur une pièce de danse. Ce moment plein de promesse et de désir mais chargé de doutes, de questions sans réponse. Bien sûr la création d’une pièce n’est pas que torture, heureusement, il y a tout de même de la joie, du partage, des rencontres, des fous rires. Alors serait-ce la même chose en écrivant son autoportrait ? Attraper un fou rire en écrivant sur soi ? Cela paraît inimaginable. Mais pourquoi pas après tout ? Essayons de rire en écrivant sur soi. Ecrire sur soi…
D’ailleurs, je n’ai pas de tatouage. J’ai toujours eu peur de me lasser de ces graphismes, de ces formes, de ces messages, de ces mots écrits définitivement sur soi. Quand je pense aux tatouages je pense à Dire Straits, le groupe de rock anglais que j’adorais quand j’étais adolescent. J’étais fan et je les ai vus en concert à Montauban avec ma copine de l’époque et son frère qui venait de se réconcilier avec sa copine et qui devint plus tard ma copine lorsque ma copine me quitta et que ma nouvelle copine quitta son frère. Et donc Dire Straits, j’adorais vraiment quand j’étais ado, ce qui faisait de moi d’ailleurs un ado en retard car le groupe anglais était déjà démodé… Je m’en suis rendu compte bien plus tard, que j’étais moi-même démodé, surtout quand ma copine m’a quitté d’ailleurs. Et là je me suis mis à détester le groupe anglais que je trouvais mielleux et petit-bourgeois. Voilà pourquoi je n’ai pas de tatouage !
Je sais que mes goûts sont variables dans le temps, je peux adorer une seconde et détester l’autre seconde. Alors imaginer une potentielle erreur sur soi, cela me paralyse. Je n’ai pas confiance en mon goût, comme dans la création d’une pièce de danse. Quand une idée m’emballe elle va forcément devenir détestable quelques temps plus tard. Parce que cette idée pendant les répétitions elle s’use peu à peu dans mon esprit, une lassitude s’installe. Un mouvement, une scène m’a plu lors d’une improvisation, un premier jet et puis ensuite les danseurs à cause de la fatigue, du manque d’inspiration n’arrivent plus à reproduire la spontanéité du geste, sa pertinence. Enfin c’est ce que je crois. D’où l’angoisse. C’est à ce moment là que l’on imagine la chirurgie esthétique. Cela doit exister l’effacement des tatouages. Je crois avoir vu dans un film japonais qu’un Yakusa repenti l’avait pratiqué, mais bon ce n’est pas facile et puis c’est douloureux. Et puis il reste forcement une cicatrice, qui en plus, a la forme du tatouage.
Alors c’est sûr le risque du définitif est trop grand pour être pris… Et cependant, je suis d’ailleurs injuste avec Dire Straits, aujourd’hui j’écoute avec beaucoup plus de nostalgie et de complaisance et puis Mark Knoffler est tout de même un génie de la guitare et finalement j’aime bien sa voix nonchalante. Cela voudrait dire qu’après la chirurgie esthétique je devrais refaire le tatouage ? Sur la cicatrice ou à côté ? L’angoisse.
Durant une création, il faut que je fasse cet effort permanent de mémoire des sensations. Quelle est, parmi toute la matière que l’on a trouvée et accumulée, celle qui m’avait procuré le plus d’émotions, qui m’avait donné le plus de sens ? Et oui je dois faire confiance à ces sensations initiales au moment de la découverte. Car le spectateur, lui sera dans la même position que moi dans ces premiers instants : il sera en position de découverte, de fraicheur prêt à accueillir cette surprise. Donc il faut refaire le tatouage à l’identique ce qui n’est pas facile. A quoi ressemblait-il ? Il faut que je retrouve une photo où il apparaît clairement. Le tatoueur a fait faillite après son overdose, il ne s’en est jamais remis et il est introuvable. Lui seul avait une photo fidèle. Ah non ! Je sais ! Mon ex-copine elle aussi avait une photo du tatouage en gros plan sur la plage. Il va falloir que je la recontacte. L’angoisse. J’hésite surtout que la photo, elle l’a peut-être jetée au feu. Et puis en plus je suis sûr qu’elle n’aime plus du tout Dire Straits, elle n’est pas nostalgique, définitivement. Bon je laisse tomber, je referai le tatouage en expliquant au tatoueur, le nouveau, ce que ma mémoire dit. Sur la cicatrice ou à côté ? De toute façon, il sera forcément différent dans les deux cas, un tatouage granuleux dans le premier, un tatouage exilé dans le deuxième. Et puis les muscles, la peau sont comme ma mémoire, ils flanchent. Alors il sera forcément différent ce geste, ce mouvement, ce ton qui est apparu lors de cette improvisation.
Elle était bonne cette idée de faire une pièce de danse sur un match de football, de faire une pièce de danse avec des musiciens et pas des danseurs ? Elle était bonne cette idée de m’enfermer dans une pièce et de danser dans 6 mètres carré sous 1 mètre 50 de hauteur de plafond ? D’appeler mon premier spectacle érection, ça va faire fuir tout le monde ? Dois-je proposer à Mark Knoffler de faire la musique de mon prochain spectacle ? Décidemment j’ai trop peur des tatouages, des papillons, des tortues, des étoiles, des tourbillons, des mots incompréhensibles écrits en mandarin, thaïlandais ou maori, des love for ever. Je n’ai toujours pas eu de fou-rires… Je vais peut-être vraiment me faire un tatouage, j’en ai toujours rêvé en fait. Allez je me lance, je me jette dans le vide, comme le jour d’une première, le jour où le public est là pour assister aux surprises de nos idées. Je vais écrire dans le dos Autoportrait, en Helvetica c’est ma typo préférée. 

Venez tout entier   04/02/14

« Venez tout entier ! » nous dit-on.
Comme un conseil bienveillant ? Ou comme une incitation intéressée ?
Nos « personnalités entières », nos « natures globales », seraient-elles contraintes de se limiter, de se cacher, de se taire, de se morceler ou de se refouler ? Et par conséquent, aurions-nous besoin de les inciter à se révéler plus largement, à s’affirmer ?
En d’autres termes, notre corps est-il toujours là intégralement ? Et posons-nous la question : est-ce souhaitable qu’il le soit toujours ?

Le dialogue sans corps.
Oui le curriculum-vitae est souvent le premier élément de présentation. La fonction sociale, le métier, l’activité suffisent dans bien des situations à catégoriser une personne. Le corps visible n’agit pas, il n’est d’ailleurs pas forcement présent dans bien des circonstances où les échanges virtuels dominent. Et même s’il est présent ce corps, il n’agit pas. « Et vous, qu’est que vous faites dans la vie ? » La réponse à cette question hâtive et lancinante suffira à graver dans le marbre un mode de communication. L’activité sociale classe et préfigure l’échange humain. Gare à celui dont l’activité n’est pas recensée, floue ou pire inexistante. Celui-ci n’existera pas… ou du moins n’échangera pas. C’est la fonction, le rôle, le statut qui interviennent. Nul besoin de tout le reste ! L’échange humain va se réduire à un réseau cloisonné de sensations institutionnalisées.
Le dialogue et la pensée s’élaborent sans tenir compte de l’entièreté de l’individu, de sa consistance au sens global et donc de son corps, ici abstrait, absent.

Le corps sans dialogue.
A contrario, ce que l’on appelle le culte du corps fait rage. La chanteuse doit être nue pour bien chanter, la ménagère doit être nue pour bien faire la lessive, le conducteur doit être nu pour bien mettre de l’essence dans son véhicule… Ce corps devenu absurde, n’a plus pour fonction que la simple désignation de la sexualité. Et paradoxalement,non la sexualité elle-même ! La fonction humaine est arrêtée à une seule chose, bien souvent sexiste, l’évocation du désir physique par lequel passerait toute pensée et acte d’achat. Dit beau, le corps au service de la bêtise n’a plus d’action à réaliser, il ne fait rien si ce n’est office d’étagère de supermarché. Et ce corps publicitaire est descendu dans la rue. La superficialité charnelle est au service de la superficialité intellectuelle. Gare à celui qui ne répond pas aux critères ou qui croit ne pas répondre aux critères. Par symétrie, le corps caché et spirituel, celui des femmes en l’occurrence, à l’abri du désir masculin, poursuit cette logique d’un corps arrêté à sa seule fonction de désignation sexuelle.
Le corps, trop dévolu à l’échange marchand et à la séduction fast-food, devient sur-présent et donc se retrouve dépourvu d’échange de pensée et de sentiment. Il n’est donc pas utilisé dans son entièreté. N’est-ce pas là la contrepartie du corps absent ?si si c’est pourquoi je rajoute le terme « sur-présent »

Heureusement, ces deux tendances dominantes, absence et sur-présence ne sont que des tendances statistiques et non des règles générales. Elles laissent donc la place aux vents contraires. La question de l’entièreté de l’être possède encore sa légitimité et son espace de défense. La jonction ou même l’indifférenciation entre l’esprit et son enveloppe charnelle restent encore de mise. En effet, le corps est une mécanique biologique raisonnant et agissant en fonction des sensations et des émotions qu’elle reçoit. Cette mécanique a toute vocation à entrer globalement dans le champ du dialogue avec son environnement.

Le dialogue avec corps.
Le corps tout entier est source de langage. Les mots qu’il émet présentent une forme d’efficacité mais sont loin d’être suffisants pour dialoguer. Quand ils ne sont pas trompeurs... Les mimiques du visage, les postures, les formes et reliefs variées des corps, les marques du temps ou les marques accidentelles, le rapport à l’habillement, l’allure sont autant de langages. Évidemment les gestes de la tête, des mains et des bras, l’intensité du mouvement, la démarche et la gestuelle générale jouent une fonction primordiale dans le rapport et l’échange avec le contexte. Dans la continuité de cette variété infinie, l’humain a cultivé une expertise corporelle de l’échange et de l’action. Hier l’artisan façonnait des objets grâce à une sophistication extrême d’un mouvement engagé par un savoir-faire du corps mobile. Et aujourd’hui que le travail de l’expertise manuelle disparaît peu à peu dans nos sociétés de service, d’électronique et d’inactivité économique, l’humain s’invente une autre manière, plus futile ou moins utilitariste, de maintenir cette expertise corporelle. Les inventeurs de sport en tout genre, les inventeurs de danse à la minute, confient aux pratiquants de plus en plus nombreux le moyen d’entretenir cette virtuosité de la gestuelle humaine. L’acrobatie, le hip-hop, les sports de glisse, les sports de combat, les arts martiaux, le football, le tennis… sont les outils modernes de notre quête darwinienne de sophistication corporelle. Si le nombre d’épreuves sportives ne cesse d’augmenter d’olympiade en olympiade c’est peut-être bien que l’humain cherche derrière cette apparente futilité à assouvir un besoin de survie auquel il a été programmé : accroître son acuité corporelle pour maintenir un niveau de dialogue avec son environnement. Aujourd’hui futile et stérile, demain peut-être utile, spirituel ou épanouissant ? A nous de transformer l’essai dans une méditation mobile...

Le corps avec dialogue.
Mais puisque l’on parle d’entièreté, il ne faut pas se contenter des simples apparences ou fonctionnalités extérieures. L’intérieur du corps est lui même susceptible de dialoguer avec son contexte. La sensation se traduit en émotions qui directement ou indirectement interagissent avec les extérieurs. L’évolution, la santé et la nature de ses sensations internes devront faire l’objet d’une étude toute particulière, bien plus approfondie qu’elle ne l’est aujourd’hui. Il faudra mener une sorte de super-ostéopathie de la sensation corporelle. Là où l’approche clinique du corps se réduit de plus en plus dans la médecine technologique, cette écoute de la sensation sera au cœur de notre futur système de vie. C’est elle qui déterminera comme une série de conséquence en cascade le contenu de notre respiration, de notre alimentation et notre cuisine, notre agriculture, notre rapport à la nature et à la ville, notre approche de la santé et de la sexualité, notre rapport au mouvement et aux transports, au patrimoine, à la culture, à l’économie à l’information, à la musique, à la vitesse… Si le chemin vers la connaissance du fonctionnement du cerveau humain n’en est qu’à sa préhistoire, que doit-on dire de celui qui mène à la compréhension de la sensation ? Nous venons tout juste de découvrir le Big-Bang sensoriel, à une époque où la matière commence à peine à prendre une forme ! Ou peut-être même, pouvons-nous craindre qu’elle n’ait régressé, cette connaissance si l’on en croit les études ethnographiques des civilisations disparues… ou en train de disparaitre… Psychanalyse, yoga, zen, tantrisme, méditation… deviendront notre nouvelle religion ouverte de la sensation.
C’est dans la révolution sensorielle, qui passe par l’entièreté inconnue de notre corps que s’inventera le nouveau dialogue avec le contexte, l’environnement et l’autre. De grandes surprises peuvent nous attendre.

Alors voilà pourquoi j’aime finalement travailler et réfléchir dans le domaine contemporain de la danse et du théâtre physique. Car c’est un domaine de l’engagement du corps. Le corps comme outil mécanique et sensoriel devient un véritable objet de dialogue, un enjeu politique modeste mais efficace au cœur d’une réflexion philosophe en réseau. Un outil qui permet à chaque individu, danseur, acteur, chorégraphe, metteur en scène, technicien, spectateur, sans conscience globale assumée, de participer à la réflexion générale. Et cette participation provient de la mise en marche et en avant de sa consistance générale, de son entièreté.[3] La danse est un instant durant lequel l’intelligence se joue avec l’intuition du corps. Un instant durant lequel le relâchement intellectuel permet de donner place à une autre manière de raisonner et d’appréhender le monde. Le cerveau s’agrandit à l’espace intégral du corps en faisant appel à toute l’histoire personnelle des mouvements. Nos mouvements du corps sont une culture de vie d’une diversité infinie de laquelle nous pouvons, si nous cherchons bien, puiser des événements sensoriels enfouis dans notre mémoire. L’embryon, le bébé, l’enfant, l’adolescent que nous étions reviennent nous parler et nous fournir toute la pertinence de leur naïveté et de leur découverte. Nous pouvons redonner une nouvelle expérience, une nouvelle signification aux instants passés. Puis le corps qui semble devenir de plus en plus intelligent avec l’âge, apprend à jouer d’une double intention paradoxale : le relâchement et la force. C’est dans ce flirt subtil, quasi-utopique, entre l’énergie musculaire et la décontraction du mouvement que se joue toute la pertinence du corps entier. La danse comme d’autre pratique du corps, conjugue son discours avec l’extérieur au gré des argumentations sensorielles qui s’ajoutent ou complètent notre réflexion cérébrale. Je crois qu’elle peut devenir un des outils de notre prochaine révolution sensorielle. Et ce en tant que pratique physique mais aussi en tant que forme spectaculaire et narrative.

La période actuelle nous invite à un don de sa transparence. Nos mouvements géographiques sont publics, nos comportements sont publics, nos sentiments sont publics. Il fut un temps où l’on imaginait un futur où un pouvoir central super puissant et autoritaire obligerait la population à fournir sa transparence. Aujourd’hui dans ce futur, il n’en est rien, c’est la population qui offre d’elle-même sa transparence à un pouvoir diffus, sympathique, électronique et quasi-ludique. Mais cette liberté superficielle est évidemment un piège potentiel intelligent qui a tout le loisir de contrôler et de forcer.
Alors « Venez tout entier ! » ?
Comme un conseil bienveillant ou comme une incitation intéressée ?
S’il s’agit d’un appel au consentement du spectacle de la transparence, un appel à la participation volontaire à un système de consommation contrôlé et de la fausse convivialité, alors non.
En revanche, s’il s’agit de placer le corps dans son intégralité dans le champ de la construction d’un monde de relations humaines harmonieuses, alors oui. Révolution sensorielle : ayons confiance en nos corps entiers.

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